mardi 2 mars 2010

Position du MIR sur la date du 10 MAI

Interview par THOTEP du Mouvement International pour les Réparations (MIR-France) sur les commémorations de la communauté noire en France.
Il y a en France une polémique qui s’est développée autour du choix d’une date officielle de commémoration de l’abolition de l’esclavage. Qu’en pensez vous ?
Le MIR-France : Pour nous l’essentiel était que le processus de mise en œuvre de la loi de mai 2001 soit enfin entamé, et même si nous avions comme d’autres organisations une opinion sur la question, nous étions déterminés, quelle que soit l’option retenue, à faire de cette date une caisse de résonance de notre lutte. D’ailleurs plusieurs dates étaient symboliquement fortes.

A quelles dates pensez-vous en particulier ?
Le MIR-France :
nous pensons en particulier à la date du 4 février. Si l’État français avait choisi cette date, ça aurait été en référence à la première abolition française de l’esclavage de 1794. Il faut se rappeler que les esclaves de Saint-Domingue (qui re-deviendra Haïti à l’indépendance) se sont libérés au terme d’une guerre de guérilla menée depuis 1791 ; et que c’est forts de leur victoire militaire, qu’ils ont pu imposer aux délégués de la République, le 29 août 1793 à Saint-Domingue, la proclamation de l’abolition de l’esclavage. Lorsque cinq mois plus tard, les députés arrivés de Saint-Domingue viennent rendre compte de la situation à l’assemblée nationale à Paris, la Convention entérine l’abolition de l’esclavage. Donc cette abolition du 4 février 1794, est déjà en elle-même le fruit de la résistance.
De surcroît le 4 février est la date retenue en 1992 par un groupe d’anticolonialistes pour occuper à Paris le parvis des Droits de l’Homme au Trocadéro et contester les festivités officielles de commémoration des cinq cents ans de l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. L’initiateur est le Comité International des Peuples Noirs (C.I.P.N.), ainsi dénommé en référence à l’IPN, l’Institut des Peuples Noirs pensé par Thomas Sankara au milieu des années quatre-vingt et dont l’une des missions était d’impulser la restauration d’une conscience historique parmi les Peuples noirs. Ce 4 février 1992 à Paris, les camarades s’alignent sur le parvis du Trocadéro formant symboliquement un triangle, et chacun porte un carton sur lequel est écrit une lettre. Sur cette chaîne humaine, on peut lire : CRIME CONTRE L’HUMANITE. Dans la continuité de cette protestation un courrier est adressé en août de la même année au Président de la République afin de placer l’État français devant ses responsabilités historiques :

"(...) Souffrez donc, Monsieur le Président de la République, qu’à l’aube de ce cinquième centenaire, les descendants des victimes osent lever la tête. Osent réclamer JUSTICE, car les crimes commis sont imprescriptibles. Osent demander à l’Europe suivant l’exemple du pape à Gorée de :
1. Reconnaître solennellement l’existence des trois crimes contre l’Humanité que sont : l’esclavage des Nègres le génocide amérindien le génocide africain.
2. Réhabiliter la mémoire des martyrs d’un bout à l’autre des continents américain et africain : Revoir à hauteur d’hommes, tous les malheurs, tous les supplices et toutes les ignominies : "les tonnes de chaînes, les orages de fouets, les fleuves de crachats."
3. Réparer, car le drame des derniers Amérindiens, comme le drame de l’Afrique et de la diaspora noire est que l’enrichissement du monde blanc a eu pour nécessaire corollaire, la destruction des Amérindiens et l’appauvrissement criminel du Monde Noir." Symbole de la colonisation européenne, Christophe Colomb avait ouvert en 1492 la voie du plus grand génocide historique jamais commis contre les peuples amérindiens et africains.
C’est pour vous dire que l’agenda du Mouvement International pour les Réparations a des racines qui ici même en France ne datent pas d’hier. De plus, vous savez que février est au plan international le Black History Month ; et donc pour nous qui sommes engagées dans la lutte pour les Réparations, février s’harmonisait avec l’agenda existant déjà à l’échelon international.

Et qu’en est-il de la date du 23 mai ?
Le MIR-France :
Rappelons les faits... Le 23 mai 1998 a lieu, à Paris, une marche historique de commémoration unitaire du 150ème anniversaire de l’abolition française de l’esclavage de 18481, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes d’ascendance africaine. 1998 était l’année anniversaire à la fois du Cinquantenaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, du Centenaire du « J’accuse » d’Émile Zola et du Centcinquantenaire des révoltes (en Martinique, en Guadeloupe, à St Martin, à St Eustache, à Saba, à Saint- Croix) qui vont imposer en 1848 l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises d’Amérique et à la Réunion. La réussite de cette marche est une grande victoire de la communauté noire dans la guerre psychologique menée à son encontre ; c’est la fin du non-dit, de la honte cachée d’être descendant des victimes de l’esclavage ; ce qui se profile, c’est la fin de la honte de ses ancêtres : en l’occurrence des Africains capturés, déportés, vendus ; de la honte également d’être issu de métissages liés aux viols par les maîtres ou à des rapports consentis par les femmes par intérêt ou par aliénation. Tout cela est très lourd. Et la mobilisation de 1998 apparaît comme l’aboutissement d’un travail de longue haleine et la prémisse d’une révolution mentale. Toutefois, la fin du non-dit n’équivaut pas encore à l’arrachement des chaînes dans la tête. Une chose toutefois nous semble certaine. C’est que lorsque les chercheurs noirs parviendront à construire une véritable école (de pensée) de psychologie en France, la marche du 23 mai 1998 sera reconnue comme ayant été ici un jalon important dans le processus de libération. La France est quant à elle confrontée à un pan majeur de son histoire qu’elle s’était méticuleusement appliquée à taire depuis des décennies. Un pan d’oppression et d’exploitation fondée sur un crime énorme et qui a duré des siècles. C’est cette mobilisation des personnes d’ascendance africaine résidant en France à laquelle il faut adjoindre la mobilisation des peuples des pays d’outre-mer sous administration française (Guadeloupe, Guyane, Martinique...), qui conduit à l’élaboration d’un projet de loi introduit en décembre 1998 par Madame Taubira-Delannon, députée de Guyane. Près de trois années plus tard, la loi est finalement adoptée, le 10 mai 2001. Loi no 2001-434 du 21 mai 2001, article 1er, « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité ». A propos de 1998, il faut aussi rappeler que la mobilisation populaire est confirmée un mois plus tard, le 21 juin 1998. A l’occasion de la fête de la musique, une fresque théâtrale historique est montée2 qui retrace le parcours des peuples africains de l’Égypte antique aux abolitions de l’esclavage. Plusieurs centaines de figurants magnifiquement costumés et maquillés effectuent à cette occasion des chorégraphies dédiées aux combattants de la liberté, et défilent de la Porte Dorée au Musée du Louvre accompagnés là encore de plusieurs dizaines de milliers d’Africains et Descendants d’Africains. C’est l’occasion de suggérer qu’alors que ces dernières années le « Carnaval tropical » de Paris prend de l’ampleur, le travail réalisé le 21 juin 1998 pourrait constituer une source thématique d’inspiration dans le futur ; le carnaval commencerait alors à refléter l’évolution des mentalités en cours ici et l’émergence d’une conscience historique nouvelle, bref serait davantage en phase avec l’atmosphère du moment dans notre communauté. En tout cas c’est notre avis. Et notre souhait.
Et la date du 27 avril, en référence au décret Schœlcher de 1848 ?
Le MIR-France : Le 27 avril 1848, c’est la date symbole dans les « vieilles colonies » de l’abolition de l’esclavage, du rachat par l’État français des esclaves aux colons esclavagistes (les Békés...) et de l’affranchissement par l’État français des esclaves rachetés ; au même moment la France entame en Afrique une invasion militaire massive, réduisant partout les populations conquises en esclavage, et développe d’une région à l’autre de l’Afrique, les déportations des travailleurs en direction des chantiers de travaux publics, des mines, des exploitations forestières et des territoires propices à la collecte de certains produits tels que le caoutchouc, ou des plantations. Nous sommes des militants. Nous n’avons même pas évoqué cette date dans nos discussions.

En janvier 2006, l’État français adopte le 10 mai comme date officielle de commémoration. Quelle est la positon de votre mouvement par rapport à cette date ?
Le MIR-France :
création d’une République fondé sur l’abolition de l’esclavage et l’éradication du racisme et de l’intolérance qui y est liée.
Historique du 10 MAI
En 1794, suite à l’insurrection des Africains d’Ayiti qui se sont libérés, les révolutionnaires français ont aboli l’esclavage dans leurs colonies. Toutefois, en 1802, soit 8 années plus tard, au vu du manque à gagner, le nouveau leader français, Napoléon, décide de rétablir les chaînes de l’esclavage dans les colonies françaises.
Dans l’île caribéenne de Guadeloupe, l’armée française écrase la résistance.Mais dans le dernier mois de la résistance, interviennent deux évènements qu’il vaut la peine de rappeler : le 10 mai 1802, soit sept ans jour pour jour après la proclamation de la première République au Venezuela par le combattant de la liberté José Léonardo CHIRINO* (1754-1796), les leaders de la résistance guadeloupéenne, au cours de la nuit, placardent dans toute la Guadeloupe une proclamation signée du Colonel Delgres : exhortant la population à résister au rétablissement de l’esclavage : « ...les maximes de la tyrannie la plus atroce sont surpassées aujourd’hui. Nos anciens tyrans permettaient à un maître d’affranchir son esclave, et tout nous annonce que, dans le siècle de la Philosophie, il existe des hommes (...) qui ne veulent voir d’hommes noirs ou tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l’esclavage. (...) La résistance à l’oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendons notre cause. Elle est celle de la Justice et de l’Humanité ». Le 10 mai 2001, soit deux siècles plus tard, l’État français reconnaît le crime contre l’humanité de la déportation et de l’esclavage, qu’il a perpétrés durant plusieurs siècles, sous les régimes de la royauté, de l’empire et de la république. Quatre ans plus tard, sur proposition du comité en charge de la mise en application de la loi de mai 2001, il adopte la date du 10 mai comme date officielle de commémoration. Entre temps, dès le 10 mai 2005 un Salon Louis Delgrès a symboliquement été inauguré au Ministère des DOM TOM. Vous conviendrez que nous pouvons être satisfaits. Tous ceux qui s’inscrivent dans le mouvement de libération et qui, depuis des années voire des décennies (Je vous renvoie au poème de Césaire "Mémorial de Louis Delgrès" dans Ferrements...), luttent pour la restauration d’une conscience historique des peuples d’ascendance africaine, ne peuvent qu’enregistrer ce nouvel acquis de la mobilisation. Le recouvrement de notre mémoire et de notre contrôle sur l’élaboration de notre histoire est en marche. Le MIR-France s’était quant à lui précocement prononcé en faveur du 10 mai. Le mois de mai est désormais le mois des commémorations noires en France ; plus elles seront nombreuses et riches en contenu, mieux nous nous en porterons. A chaque courant de développer ses analyses, ses aspirations et ses suggestions, et à nos médias de rendre compte de cette dynamique, de croiser les apports des uns et des autres, et de nous aider à faire la synthèse du meilleur.
Pour notre mouvement, deux dates sont incontournables : La commémoration du 10 mai, Journée que nous dédions aux résistants à la guerre engagée en 1802 par l’État français dirigé par Napoléon, pour rétablir l’esclavage aboli en 1794 dans les colonies françaises. Le minimum c’est que cette date devienne un jour férié, et nous devons contribuer à ce que le processus amorcé par la ville de Paris de révision des noms des rues s’amplifie dans le pays (La rue Richepanse, du nom du général en charge de rétablir l’esclavage a été débaptisée, et une rue Delgrès a été nommée). La seconde date incontournable et qui a une vocation internationale, c’est le dernier samedi de mai, qui correspond à la double commémoration, du sacrifice au Matouba des résistants au rétablissement de l’esclavage (28 mai),
et à la commémoration de l’African Liberation Day (25 mai), inauguré en 1958 à l’aube des indépendances par le président du Ghana Nkwamé Nkrumah, en présence de représentants de tous les mouvements de libération de l’époque. C’est l’occasion une fois l’an, de faire le tour d’horizon des oppressions et des résistances, et cette date est internationale.En France, l’idéal serait que nous tous, individus et associations qui sommes engagés dans ces mobilisations, parvenions cette année 2006 à mettre en place un "Comité d’organisation des commémorations de mai" afin de mieux nous coordonner. Nous vous remercions.

Le MIR-France : c’est nous.
MIR-France, 20 avril 2006
1 Collectif d’associations et de militants, dont une partie s’est pérennisée dans le Comité Marche du 23 Mai 1998 lequel a développé le concept Lanmèkannfènèg. A savoir, la mer, la canne, le fer, ont fait le Nègre.
2 Projet collectif ("Les Milans du temps" et "Les Échos de la Mémoire") initié et coordonné par le Théâtre de l’Air Nouveau.

Statut du MIR

Parution Journal Officiel
MIR France

No d'annonce : 1045 Paru le : 05/02/2005
Association : MOUVEMENT INTERNATIONAL DES REPARATIONS FRANCE (M.I.R. - FRANCE).
No de parution : 20050006Département (Région) : Paris (Île-de-France)
Lieu parution : Déclaration à la préfecture de police.
Type d'annonce : ASSOCIATION/MODIFICATION

Déclaration à la préfecture de police. MOUVEMENT INTERNATIONAL DES REPARATIONS FRANCE "M.I.R. - FRANCE".
Nouvel objet : lutter contre toutes les discriminations en faisant porter l’effort sur l’amélioration de l’organisation des personnes victimes de racisme et de discrimination afin de consolider leur propre capacité à défendre leurs intérêts moraux et matériels ; renforcer plus particulièrement l’organisation des victimes discriminées en raison de leur ascendance africaine et de veiller à défendre la mémoire des esclaves et des colonisés en général, et l’honneur de leurs descendants ; veiller également à mettre l’accent sur la défense des droits humains des personnes d’ascendance africaine victimes d’un cumul de discriminations, les jeunes filles et les femmes notamment ; créer un réseau avec les organisations et individus engagés dans la mise en œuvre d’un processus de réparation des dégâts résultant des invasions coloniales : réparation d’ordre politique, économique, financer, moral, social, culturel et spirituel ; aider ses membres à atteindre ceux de leurs buts qui s’inscrivent dans cette perspective globale de réparation ; œuvrer pour la paix, la compréhension entre communautés, le respect entre les êtres humains, le respect envers la nature toute entière ; si nécessaire, agir en justice pour toute atteinte aux intérêts collectifs de ses membres. Siège social : 28, rue de la Solidarité, 75019 Paris. Date de la déclaration : 31 décembre 2004.

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MIR Martinique

No d'annonce : 1974 Paru le : 21/05/2005
Association : MOUVEMENT INTERNATIONAL POUR LES REPARATIONS - MARTINIQUE « M.I.R. MARTINIQUE ».

No de parution : 20050021Département (Région) : Martinique (Outre-Mer)
Lieu parution : Déclaration à la préfecture de la Martinique.

Type d'annonce : ASSOCIATION/CREATION
Déclaration à la préfecture de la Martinique. MOUVEMENT INTERNATIONAL POUR LES REPARATIONS - MARTINIQUE « M.I.R. MARTINIQUE ».


Objet : lutter contre le racisme et toutes les formes de discriminations ; soutenir l’organisation des victimes de discriminations et de génocides, et plus particulièrement de personnes qui l’ont été en raison de leur ascendance africaine ; défendre la mémoire des Africains déportés puis mis en esclavage ainsi que tous les peuples victimes dans l’histoire et actuellement des crimes contre l’humanité et de la colonisation, par la mise en œuvre de procédures de réappropriation et de conservation de leur patrimoine naturel historique et culturel ; défendre l’honneur et le droit à réparation de leurs descendants par la mise en œuvre de procédures appropriées de toute nature tendant à réparer les dégats. Siège social : 16, rue du Routoutou, 97200 Fort-de-France. Date de la déclaration : 18 avril 2005.